Issiaka Ouattara (c), porte-parole des soldats insurgés, parle aux journalistes après les négociations avec le ministre chargé de la Défense, à Bouaké, le 7 janvier 2017.

Côte d’Ivoire: Alassane Ouattara accède aux revendications des soldats mutins

Près de 48h après le déclenchement de la mutinerie à Bouaké, le président ivoirien Alassane Ouattara a annoncé le samedi 7 janvier 2017 dans une brève allocution qu’il acceptait que les revendications des soldats soient prises en compte. Malgré cela, à Bouaké, dans la soirée, les soldats mutins ont retenu deux heures le ministre chargé de la Défense exigeant un paiement immédiat de leurs primes.

« Je confirme mon accord pour la prise en compte des revendications relatives aux primes et à l’amélioration des conditions de vie et de travail des soldats », a annoncé Alassane Ouattara dans une brève déclaration retransmise à la télévision.

Le président ivoirien a cependant regretté la méthode employée par les soldats pour faire valoir leurs revendications. « Elle ternit l’image de notre pays après tous nos efforts de développement économique et de repositionnement diplomatique », a-t-il affirmé. Alassane Ouattara a par ailleurs appelé les soldats à regagner leurs casernes.

Cette annonce a été faite après le compte-rendu du ministre chargé de la Défense, qui s’était rendu à Bouaké en milieu d’après-midi pour tenter de désamorcer la révolte. C’est là que la contestation a éclaté dans la nuit du 5 au 6 janvier, avant de s’étendre à d’autres villes du pays.

Le ministre de la Défense retenu plusieurs heures

Alors que tout semblait donc aller pour le mieux en fin de journée, les différents protagonistes se congratulant même de l’accord trouvé, il a été décidé de sortir du local où se tenaient les négociations pour aller symboliquement lever un barrage sur la route de Bouaké pour marquer la fin de cette crise.

C’est à ce moment-là que des tirs nourris ont retenti de la part des militaires insurgés, toujours pas satisfaits, ceux-ci réclamant des promesses écrites ou tout du moins le paiement immédiat des sommes promises.

Aussitôt, toute la délégation et tous les journalistes qui accompagnaient cette délégation se sont réfugiés au domicile du sous-préfet pour se mettre à l’abri. Les négociations ont donc repris de plus belle entre le ministre en charge de la Défense Alain-Richard Donwahi, le chef des mutins et la base. Finalement, tout est semble-t-il rentré dans l’ordre et une partie de la délégation est de retour à Abidjan.

Le ministre a pu regagner Abidjan où il est arrivé dans la nuit. Il a donné les premières indications sur ce qui a été conclu avec les militaires insurgés.

Ce samedi, la mutinerie avait aussi gagné Man, la grande ville de l’Ouest. Abidjan, la capitale économique, n’a pas été épargnée. Des tirs ont été entendus dans le camp d’Akouédo et autour du camp Gallieni. Là, deux militaires qui gardent les accès au camp ont expliqué à RFI leurs revendications et leur état d’esprit vis-à-vis des autorités ivoiriennes.

Arthur Banga, chercheur ivoirien spécialiste des questions de défense

Quelles raisons peuvent expliquer cette mutinerie ?

Selon lui, malgré les efforts entrepris par Alassane Ouattara pour moderniser l’armée ivoirienne, ce mouvement d’humeur trouve son origine dans la composition de l’armée qui a créé des dissensions au sein même des ex-FAFN (Forces nouvelles de Côte d’Ivoire), elles-mêmes issues de la rébellion qui a porté Alassane Ouattara au pouvoir.

« Il y a des efforts qui sont faits par le gouvernement ivoirien en termes d’amélioration du cadre de vie et des moyens des militaires, mais je pense que les revendications qui sont posées sont plus anciennes que ça. Il faut bien comprendre la sociologie de ceux qui manifestent aujourd’hui. Ce sont des anciens soldats issus des FAFN qui estiment qu’ils ont contribué plus que d’autres à la prise de pouvoir d’Alassane Ouattara et qui aujourd’hui s’estiment mal récompensés au niveau de la rémunération, au niveau des responsabilités aussi. En fait, le problème, c’est que les officiers issus des Forces nouvelles, qui n’étaient pas forcément des officiers avant la guerre, ont connu une ascension. Il y en a qui sont lieutenants-colonels, colonels, alors que les soldats n’ont pas connu cette ascension-là. Ça peut expliquer ce mécontentement. Mais je pense que ces questions sont abordées par la nouvelle loi de programmation militaire qui veut justement un nouveau statut pour les nouveaux soldats, qui seront des soldats sous contrat. Maintenant, ceux qui sont déjà là posent encore problème. »

Pourquoi le président ivoirien Alassane Ouattara a-t-il décidé d’accéder aux revendications des mutins ?

« Alassane Ouattara a bien compris que de telles mutineries sont d’abord néfastes pour la réputation du pays. N’oublions pas que la Côte d’Ivoire et surtout Alassane Ouattara tablait sur sont taux de croissance, sur l’amélioration du climat des affaires, et donc de telles mutineries ne vont que ramener en arrière. Donc, pour lui, il faut vite sortir de la crise pour ça. Deuxième chose, en ville, à Abidjan, on fait beaucoup de connexions politiques entre ces mutineries et le calendrier politique du moment, c’est-à-dire la nomination d’un vice-président, la nomination d’un nouveau président de l’Assemblée nationale, quelles seront les institutions en 2020… Donc, pour lui, toutes ces questions ont besoin d’une certaine stabilité et il faut le plus tôt possible sortir de cette crise. Ça peut être interprété comme un aveu de faiblesse et ça peut faire échos dans le mauvais sens. C’est-à-dire quand on n’est pas d’accord, on tire en l’air. On est quand même au deuxième mouvement d’humeur depuis deux ans. Il ne faut pas que ça fasse école. »

Source:rfi.fr

08 janvier 2017

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