La chancelière allemande Angela Merket (g.) et le président américain Donald Trump lors d'une conférence de presse commune à la Maison Blanche, le 17 mars 2017. REUTERS/Jonathan Ernst

Otan: la brouille diplomatique entre Washington et Berlin en trois questions

La polémique n’a cessé d’enfler ce week-end. Donald Trump, qui recevait à la Maison Blanche la chancelière allemande Angela Merkel, a assuré que l’Allemagne devait « d’énormes sommes d’argent » à l’Otan, ce que Berlin dément.

Comme souvent depuis l’arrivée de Donald Trump dans le bureau ovale, la polémique est partie d’un tweet. Angela Merkel n’était pas arrivée depuis vingt-quatre heures à la Maison Blanche que le président américain s’est fendu samedi d’une envolée énervée dont il a le secret sur son réseau social favori : soulignant dans un premier temps avoir eu une « excellente » entrevue avec la chancelière allemande la veille, il a précisé néanmoins que « l’Allemagne [devait] d’énormes sommes d’argent » à l’Otan et aux Etats-Unis qui lui « fournissent une défense très puissante et très coûteuse ».

Dimanche 19 mars 2017, dans un communiqué, la ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen a fermement démenti ces accusations, affirmant qu’il « n’existe pas de compte où sont enregistrées des dettes au sein de l’Otan ». Une passe d’armes qui s’inscrit dans une offensive plus globale du nouveau locataire de la Maison Blanche à l’égard des partenaires de Washington au sein de l’Alliance atlantique.

 ■ Trump a-t-il raison de demander plus d’efforts à ses partenaires, et notamment à l’Allemagne ?

A Bruxelles, le 15 février dernier, le nouveau secrétaire américain à la Défense, James Matis, a reconnu que l’Otan était un « socle fondamental » mais a plaidé pour une meilleure répartition du fardeau sécuritaire. Si l’on s’en tient aux dépenses militaires, le déséquilibre est en effet patent.

En 2006, les pays membres de l’Otan s’étaient accordés pour consacrer au moins 2 % de leur produit intérieur brut aux investissements de défense. Un engagement renouvelé en 2014. Mais dix ans après cette première décision, seuls cinq pays sur les vingt-huit que compte l’Alliance atlantique sont dans les clous : les Etats-Unis, la Grèce, l’Estonie, le Royaume-Uni et la Pologne. Tous les autres sont en deçà des 2 %. L’Allemagne est au 15e rang, avec seulement 1,19% de sa production de richesse alloué à assurer sa sécurité militaire.

Et alors que le Canada et l’Europe représentent 54 % du PIB global des membres de l’Otan, ils ne cumulent que 32 % des dépenses militaires.

Mais on ne s’en tient là qu’aux investissements indirects (ce que les pays dépensent finalement au sein de leur propre appareil de sécurité), et non du financement direct de l’Otan. Là, les équilibres ne sont plus les mêmes : par exemple, la contribution de l’Allemagne dans le « financement commun » est la deuxième (14 %), derrière les Etats-Unis (22 %) et devant la France (10 %). « Quand on dit que les Américains assurent 70 % du budget, c’est un abus de langage, confirme Olivier Kempf, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de l’Alliance atlantique*, car les clés de répartition du budget sont négociées contractuellement, conventionnellement. »

 ■ Les alliés des Etats-Unis sont-ils prêts à consentir des efforts supplémentaires ?

Lors de sa visite à Washington, la chancelière allemande a réaffirmé l’intention de Berlin de respecter l’engagement pris en 2014 d’atteindre les 2 % dans les 10 ans (donc d’ici 2024). Cet objectif est « le bon » a souligné la semaine dernière la ministre allemande de la Défense dans un entretien à l’AFP, « car la Bundeswehr [l’armée fédérale, ndlr] a urgemment besoin de modernisation ». Et c’est peu dire. En 2015, la chaîne publique ARD avait diffusé un reportage dans lequel des soldats allemands avaient masqué l’absence de mitraillettes sur leurs chars en utilisant des balais lors manoeuvres militaires de l’Otan… Mais Berlin plaide aussi pour que soit aussi prise en compte la participation à des missions de l’Alliance, et non seulement le niveau des dépenses militaires.

Un coup d’oeil sur les chiffres publiés par l’Otan elle-même pousse aussi à reconnaître que certains pays ne prennent pas vraiment le chemin des « 2 % ». En France, en Belgique ou encore en Croatie, la part du PIB consacrée à la défense est en diminution depuis 2014. A l’inverse, les pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie), frontaliers de la Russie, que leurs gouvernements perçoivent comme une menace, continuent de l’accroître.

 ■ Quelle pression peut mettre Washington sur ses partenaires ?

Washington a déjà fait comprendre à ses partenaires qu’il pourrait « modérer ses engagements », sans beaucoup plus de précision. Cela ne concernera en tout cas pas les dépenses militaires, que l’administration veut voir augmenter de 9% cette année.

« Donald Trump peut décider de retirer tout un tas de troupes installées en Europe, estime Olivier Kempf, mais on est encore dans la négociation, il y a une part de bluff. Trump est avant tout un négociateur. »

Mais pour le chercheur, le discours du président américain sur l’Otan est à considérer dans une perspective plus large, celle d’une remise en cause des équilibres commerciaux actuels au plan mondial : « Vis-à-vis de l’Allemagne, il utilise la question des dépenses de défense pour dire « vous bénéficiez d’une protection alors que dans le même temps vous me causez des difficultés sur le plan économique et donc ce n’est pas juste ». » Encore récemment, la nouvelle administration avait accusé Berlin de profiter d’un euro sous-évalué pour « exploiter » ses partenaires commerciaux, au premier rang desquels les Etats-Unis.

Du reste, ce n’est pas la première fois que la Maison Blanche sermonne les capitales européennes sur la question des contributions à l’Otan. Apparu dans les années 1960, ce débat a repris de la vigueur à la fin des années 2000, notamment à la faveur de la crise financière. « Obama avait carrément parlé de « passager clandestin » en évoquant les Européens », rappelle Olivier Kempf. Mais avec Trump, la crainte est qu’il joigne l’acte à la parole.

Source:rfi.fr

21 mars 2017

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