Burkina Faso : vers l’adoption décisive d’un statut de la chefferie coutumière et traditionnelle avec une démarcation de la politique

Commentaire

Au Burkina Faso, les régimes politiques électifs n’ont pas réussi à doter la chefferie coutumière et traditionnelle d’un statut. Le pouvoir du président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré qui s’évertue à la refondation des valeurs patriotiques et traditionnelles, décide résolument d’activer ce statut avec des interdictions de certaines pratiques qui ne contribuent pas à ennoblir cette chefferie censée œuvrer pour la cohésion sociale.

Au titre du ministère de l’Administration territoriale et de la Mobilité, le Conseil des ministres du 12 février 2025 a examiné et adopté un projet de loi portant statut de la chefferie coutumière et traditionnelle au Burkina Faso. Pour le ministre d’État chargé de l’Administration territoriale, Emile ZERBO, ce projet de loi permettra de régir l’une des plus anciennes institutions de l’histoire du Burkina Faso, qui a été impliquée dans la résolution de plusieurs crises traversées par le pays. Ce projet de loi vient clairement fixer le rôle et la fonction de la chefferie traditionnelle et permet son intégration dans l’ordonnancement juridique du pays.

« Il permet de revaloriser la chefferie coutumière et traditionnelle afin de participer à la consolidation de la paix au Burkina Faso. Le texte prévoit aussi les modes de dévolution de la chefferie traditionnelle », indique le ministre Emile ZERBO qui rappelle également que ce texte interdit et sanctionne l’auto-proclamation.

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Attention, pas de rémunération, pas d’activités politiques !

Le projet de loi ne prévoit aucune rémunération pour les chefs coutumiers et/ou traditionnels et exige de ces acteurs la démission s’ils veulent s’engager en politique. « C’est un texte qui permet aux chefs coutumiers et traditionnels de jouer le rôle que nous avons toujours voulu au Burkina Faso, c’est-à-dire des chefs qui rassemblent les populations et consolident la paix », précise le ministre d’État.

   Les chefs coutumiers et traditionnels ont souvent joué par le passé un rôle déterminant dans la mobilisation des populations pour les élections. Cela a créé une ruée des politiciens auprès de ces chefs pour espérer canaliser les électeurs pour leurs partis.

Un récit anecdotique ! Peu avant l’année 2000, lors d’une interview que je réalisais avec le défunt historien et leader politique le Pr Joseph Ki-Zerbo à Ouagadougou, il avait à ses côtés feu Sa majesté le Dima de Boussouma. Usant de la parenté à plaisanterie samo-mossi, j’ai dit au roi de Boussouma qu’on dit aux chefs coutumiers de ne pas faire la politique et ils continuent d’en faire. Le Pr Joseph Ki-Zerbo m’a regardé en souriant. Le Dima de Boussouma Théodore Salfo Ouédraogo a retorqué avec humour en ces termes : « Petit samo, ce n’est pas nous qui faisons la politique, c’est la politique qui nous fait ».

Cet humour du roi de Boussouma traduit exactement le recours effectif et intensif des politiciens aux chefs coutumiers. Quand un parti a un chef coutumier influent comme militant, sa victoire était assurée dans la circonscription électorale du chef voire dans la région. C’était le cas du défunt Dima de Boussouma qui était imbattable aux législatives pour le compte du parti PDP/PS (parti de feu Joseph Ki-Zerbo). Les autres partis rivalisaient pour avoir également des rois et chefs traditionnels influents acquis à leur cause.

Progressivement, des chefs traditionnels, de par leur engagement partisan dans les formations politiques, ont pour plusieurs d’entre eux perdu le respect et l’audience qu’ils avaient auprès des populations. Les appartenances politiques des chefs ont également contribué à créer des clans antagonistes dans les successions aux trônes avec parfois des affrontements dramatiques.

Puisque les politiciens ont comme mode opératoire l’art de diviser pour mieux régner, il s’avère judicieux que le statut futur de la chefferie coutumière et traditionnelle balise le terrain par l’incompatibilité entre les fonctions de chefs coutumiers et l’engagement en politique. Il  y va de  l’honneur de cette institution traditionnelle et de la concorde nationale.

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 Jean KY

Laborpresse.net         Dimanche   16 Février 2025

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