Le dimanche 1er décembre, c’est la Journée mondiale de lutte contre le Sida. Une épidémie qui selon un rapport ONU-Sida touchait en 2018 près de 38 millions de personnes dans le monde. Cette journée est traditionnellement l’occasion d’insister sur l’évolution de la maladie et l’importance de la prévention.Les décès liés au VIH en 2018 sont tombés à environ 770.000, soit un tiers de moins qu’en 2010, selon les chiffres d’Onu-Sida et quelque 37,9 millions de personnes vivent actuellement avec le VIH dans le monde.
Hausse continue en Europe de l’Est et en Asie
Si dans le monde les nouvelles contaminations ont baissé d’environ 40% depuis la fin des années 90, en Europe de l’Est et en Asie centrale au contraire, ce chiffre continue d’augmenter. Pour preuve, ces six dernières années, 30% de nouveaux cas ont été enregistrés dans la région. Il y a plusieurs raisons à cela nous explique le professeur Michel Kazatchkine, envoyé spécial des Nations unies sur la question du VIH-Sida dans la région. « La première (raison) c’est que c’est une épidémie qui a commencé au milieu des années 90, dans une région en désarroi social et économique, où il y a eu une énorme vague d’usage de drogue par voie intraveineuse. Et on sait que les personnes qui s’injectent des drogues sont vingt-deux fois plus susceptibles de s’infecter par le VIH que la population générale et mille fois plus susceptibles de s’infecter par le virus de l’hépatite que la population générale.
Et ensuite, cette épidémie est tombée dans les pays où les systèmes de santé étaient encore -et sont toujours en transition-, sans aucune connexion. Les médecins n’étaient pas préparés. Pour eux, c’était une maladie de l’Ouest et de l’Afrique.
Les autorités de santé n’avaient pas de budget, un désarroi scientifique, et dans l’ensemble, une réaction sociale et gouvernementale de rejet, de discrimination, qui a fait que, des gens appartenant aux groupes les plus à risques ont un très mauvais accès au diagnostic et aux soins. Mettez tous ces facteurs ensemble et vous avez une épidémie qui n’est toujours pas contrôlée ».
Un nouvel outil de prévention efficace : la PREP
Quelque 24,5 millions de personnes séropositives recevaient un traitement anti-VIH à la mi-2019, soit environ les deux tiers de la population infectée par le virus dans le monde, selon l’Onusida. Cela représente une augmentation de 1,2 million du nombre de personnes traitées en six mois, mais il reste des efforts à faire pour atteindre l’objectif de 30 millions fin 2020.
Parmi les pistes en matière de prévention, si l’utilisation du préservatif reste un outil de prévention très efficace, il en existe d’autres avec une approche plus médicale. C’est le cas notamment de la PREP : la prophylaxie pré-exposition. Pour le professeur François Dabis, directeur de l’Agence nationale de recherche sur le Sida (et les hépatites virales), c’est une méthode trop peu utilisée alors qu’elle donne de bons résultats. « Il s’agit de donner des médicaments antirétroviraux à des personnes qui sont négatives, qui n’ont pas le virus VIH, mais qui prennent des risques et qui, pour des raisons diverses ne vont pas, ou en tout cas pas assez, prendre le préservatif.
Et la PREP va être incroyablement efficace, de l’ordre de 95 %, pour prévenir la transmission, si vous avez un partenaire séropositif. La PREP est aujourd’hui enregistrée dans la plupart des pays, elle est intégrée à la plupart des programmes de prévention, mais elle est encore trop, trop peu utilisée.
En Afrique, elle est très peu utilisée. D’abord, cela fait peu de temps que les programmes la financent. Cela fait encore moins de temps que les professionnels de santé ont été correctement informés et s’organisent pour prodiguer ces services ».
Par ailleurs l’information commence à circuler dans les communautés qui pourraient bénéficier de ce traitement préventif.
Des progrès immenses mais…
Je suis modérément optimiste, nous dit encore le professeur Dabis, « parce que, avoir déjà dépisté plus des deux tiers des personnes qui vivent avec le virus et traité plus de la moitié, c’est un progrès immense dont on ne perçoit pas toujours combien il a été difficile et combien maintenant, c’est réussi.
Maintenant, ce que je perçois, c’est que si on ne passe pas encore à une échelle supérieure, on risque de perdre une partie des avantages que l’on a à gagner, ne serait-ce que, parce que traiter vingt et bientôt trente millions de personnes à vie, c’est quelque chose d’incroyablement complexe, incroyablement lourd et d’incroyablement coûteux.
Donc c’est pour cela que la recherche doit continuer à trouver des solutions pour empêcher de nouvelles contaminations, encore plus efficacement que ce que l’on a maintenant. Et d’autre part, essayer de guérir une partie des personnes qui vivent avec ce virus. Sinon, c’est vrai que cet objectif que l’on a fixé, de contrôler l’épidémie en 2030, cela reste aujourd’hui un objectif que l’on va avoir du mal à atteindre ».
Source: rfi.fr
14 Décembre 2019